Les Grues
Félix Arnaudin
Anne-Pierre m’a rappelé que Felix Arnaudin était mort le 6 décembre 1921 et m’a proposé de publier dans cette revue de l’hiver un conte de notre folkloriste, ethnologue, linguiste, historien, photographe, écrivain, ayant parcouru les Landes pendant cinquante ans. J’ai choisi Les grues, tiré de Contes brefs, trente contes populaires de la Grande-Lande choisis, transcrits et présentés par Joël Miró, éditions Confluences, mars 2013, Bordeaux, 15€ accompagnés d’un CD, lecture de Madeleine Dubrous, enregistré par Joël Miró. S.J.
Une fois, sur un chemin de la lande, deux bandits tuèrent un marchand qui rentrait des foires de Bordeaux, pour lui voler son argent et son bagage. Cela se passait dans un endroit très isolé. Personne n’avait vu la chose, et la justice ne trouva jamais les assassins. Et le temps passa.
Dix ans plus tard, les deux hommes venaient à passer dans le même coin, à la même saison. Ils s’étaient assis derrière une bergerie et ils bavardaient.
– Tu te souviens quand on a égorgé ce marchand qui revenait des foires de Bordeaux ? dit l’un. C’était un jour d’automne il y a dix ans de cela. Il y avait de la brume et des vols de grues passaient dans le ciel, tout comme aujourd’hui. Peut-être ce sont les mêmes ! Heureusement pour nous, elles ne peuvent pas dire ce qu’elles savent !
Mais il y avait un petit berger enfermé dans la bergerie avec le petit troupeau. Et il écoutait tout cela. Quand les deux hommes se remirent en chemin, le jeune courut les dénoncer aux gendarmes. Ceux-ci attrapèrent les assassins du marchand à l’entrée du bourg. Puis ils furent jugés et pendus.