SÈRGI JAVALOYÈS
Une fuite. Une traversée lente et paisible. Je m’en allais vers une contrée accueillante. La nuit me guidait sous les lumières lointaines des maisons où dormir ne connaissait pas encore les draps usés de son royaume. Je rentrais de la capitale du Béarn. Une forte pluie accompagnait le voyage qui me faisait traverser un pays dont nous ne connaissions plus les bornes et les contours. Il a changé en douce. Pourtant, il n’a pas perdu son âme profonde. Il exprime parfois sa colère envers ceux qui, fiers de leurs certitudes, s’en déclarent propriétaires et vite élèvent des frontières inutiles. Comme si sa vieille langue en avait toujours levé. Qu’importe ! Peut-être est-ce la vieille peur de la dissolution dans un grand pays qu’ils s’imaginent terrifiant ? Peut-être se sentent-ils dépossédés ? Je ne saurais pas vous le dire. D’ailleurs comme le saurais-je ? Ils ont vite fait de vous assigner à quelque contrée que tout votre être récuse. La pluie noyait la vallée endormie. Elle la soignait des maux climatiques dont elle souffre désormais. Et moi de croire que je rêvais comme rêvent les bêtes. Une fuite, c’est vrai, pour m’épargner de la malveillance des temps passés et présents. Après tout pourquoi au-devant des ennuis ? Je pense parfois à toutes les années écoulées, à ce que cette terre m’a offert et à ce que je lui ai humblement donné. Elle était souvent ingrate mais cela m’importait peu. Finalement, j’ai enfin atteint mon refuge. J’y ai constaté que le temps exige des citoyens du Béarn, quelle que soit leur origine, leur culture, leur opinion, de trouver le chemin de la concorde pour un avenir sincère. Certains me diront que je m’égare. Je ne saurais pas vous le dire.